Témoignage
Les premières de cordée au Glacier Blanc
Le 30/07/2024 par Roxane
La pluie me dégouline sur le visage, j’entends les gouttes qui rebondissent sur la protection jaune fluo de mon sac. Je me retourne pour voir si le groupe suit et je croise le regard de Margot, sourire aux lèvres, avec son imper’ posé à moitié sur sa tête, à moitié sur son sac : une vraie sherpa.
« Qu’est-ce qu’on fou là ? ».
Voilà la question qui revient dans les yeux des personnes qui redescendent en fuyant les trombes d’eau et qui nous croisent en sens inverse. 8 filles montant au Refuge du Glacier Blanc avec tout le matériel d’alpi ?
« Bah tiens ! On va grimper bien sûr ! » leur répondent nos sourires et nos pas plein d’entrain. C’est ainsi que débute notre troisième weekend féminin Première de Cordée Alpinisme.
Après une montée rocambolesque où nous avons bravé une météo capricieuse et des rivières torrentielles, nous voilà au refuge le temps d’une pause repas avant de repartir pour revoir les techniques d’Alpi neige. Raphaële a prévu de nous faire réviser les différents encordements, les glissades, les nœuds etc. A peine séchées, nous sommes dehors à marcher dans une neige… mouillée, évidemment ! Puis, une fois que nous avons trouvé le névé rêvé pour nous rouler dedans, nous voici les fesses par terre en mode glissade pour enrayer la chute avec un piolet. Marion nous partage ses explications (avec quelques ajouts de la part des expertes Béné et Raph) et nous fait une splendide mise en pratique. Viens alors l’application, allé je me lance : zouuuuu !! Glissade en toute simplicité sur le popotin, on se retourne et, ouf, on s’arrête. Les autres se lancent aussi et ça devient une compétition ludique de celle qui fera la glissade la plus loufoque. Raphaële nous laisse nous amuser et passe aux techniques d’encordement avec là encore, le soutien de Marion et Philo, les plus expérimentées de nous toutes. Soudain, pouuuurrrrrrrrrrrrrrrr, le ciel s’y remet et nous rappelle à l’ordre : y a de l’orage dans l’air ! Il est temps de rentrer à nos pénates et de nous sécher (pour de bon cette fois). Bizarrement, avec le bruit du tonnerre, nous le faisons fisa fisa.
Une petite pinte plus tard (oui, nous cassons l’image des filles sportives, 100% welfie), nous voilà une corde à la main en train de nous montrer nos petits tips persos pour effectuer des nœuds utiles, voire nécessaire en alpi et en grimpe. Là, Béné s’impose grâce à sa technique imparable pour le nœud papillon (pas celui de la cravate, nous sommes d’accord…). Puis, nous commençons à nous pencher sur la course du lendemain. Les Agneaux nous paraissent finalement trop ambitieux : l’iso est haut, la course est longue, nous sommes nombreuses. Autant de bonnes raisons pour l’envisager dans un autre cadre, mais pas celui de ce weekend. Deux options se profilent, offrant la possibilité de s’adapter aux conditions météorologiques et à l’avancée du groupe : soit la pointe Cézanne, soit le Pic d’Arsine avec un couloir en neige et une course d’arête après le sommet. La nuit portant conseil (et sommeil), nous allons nous coucher après un succulent repas.
4h00. « Qu’est-ce que je fais là ? ». Cette fois, la question se pose dans ma tête lorsque mon portable sonne. Néanmoins, passé le moment délicat où les paupières semblent définitivement collées, l’excitation et la motivation prennent le pas sur la paresse. Hop, ni une ni deux, nous voilà toutes à la table du petit dej’, à discuter joyeusement de cette superbe longue nuit. Puis, hop, ni une ni deux, nous voilà toutes dehors, avec nos frontales vissées sur le casque, marchant dans l’aube. Nous avons de la chance, il y a des nuages mais ceux-ci sont hauts. On caresse l’espoir d’une journée sans pluie, avec qui sait, peut-être des percées de soleil.
Arrivées à la fameuse intersection entre le glacier et le début de la montée pour le Pic ou la Pointe, nous nous encordons. 4 cordées. Objectif : que chacune prenne la tête. Deuxième objectif : le Pic d’Arsine. Tout se profile bien, nous nous laissons la possibilité de faire le col si le couloir n’est pas en condition. La montée se fait en rythme, pas à pas, dans une ambiance sereine et détendue. Nous nous sentons bien, nous sommes heureuses. Débouchant sur le replat, on voit ledit couloir « plutôt sexy » si vous voulez mon avis. C’est un peu raide, mais la neige est plutôt molle, nous sommes parfaitement dans la tranche horaire que nous nous étions fixées, nous sommes toutes bien physiquement et mentalement… Let’s go !
Karine et Philo arrivent à la fin du couloir, leurs silhouettes se découpent sur un ciel bleu, le soleil nous fait grâce de ses rayons : paf ! Petit shot de bonheur, de ceux qu’on goûte à plusieurs, lorsque tout se déroule parfaitement.
On continue avec un peu de rocher et très rapidement, nous voilà au sommet. Rires, plaisanteries, photos, petit recalage sur l’itinéraire de descente, puis je pars avec mon binôme sur l’arête. Le rocher est beau, compact, ça se sécurise facilement : un vrai jeu d’enfants ! On crapahute encore un moment avant d’arriver au col qui marque le début de la descente en neige. Nous courons un peu avant que Raphaële nous propose un arrêt pour revoir les méthodes de corps-morts (petite digression : pourquoi a-t-on nommé ça ainsi ?! On aurait pu dire corps-d’ancrages ou ancrage non ?!) et de mouflages. Quelques démos, puis nous nous attelons à la tâche, nous testons nos amarrages, posons des questions, faisons le point sur certaines choses… Or, l’heure tourne et un autre devoir nous appelle : celui du vote !
Toutes les bonnes choses ont une fin, nous remballons tout, puis filons au refuge afin de manger trois graines, récupérer nos affaires et retourner aux voitures. Cette fois, le chemin se fait au sec. La rivière n’a pas diminué, mais nous nous en sortons mieux qu’à l’aller. Et qu’on se le dise, la redescente est toujours plus simple que la montée. Nous discutons, rigolons, faisons le bilan de ce weekend. Au top une fois encore ! Nous avons pu faire la connaissance de deux nouvelles femmes, déjà premières de cordées. Raphaële, guide et géologue dans le briançonnais (mais pas que) et Béné, ostéo passionnée de montagne et pas loin de s’imposer comme THE initiatrice du CAF (après avoir vécu l’année dernière l’aventure Première de Cordée elle aussi). Encore une fois, deux figures inspirantes qui prouvent qu’on peut être des femmes et passer en tête. Merci, merci !